Le lecteur contemporain de la Bible pourrait buter sur la violence qu’il peut lire dans de nombreux passages bibliques, que cela soit dans l’Ancien ou dans le Nouveau Testament.

Cela ne doit pas décourager le lecteur mais aiguiser plutôt son désir de comprendre.

Quatre éléments de solutions

  • Premièrement, accepter une distance entre le texte et moi, en mesurant la distance qui sépare notre mentalité de la mentalité des anciens, nous invitant ainsi à ne pas plaquer de jugement hâtif et moralisateur sur des textes d’une époque lointaine.
  • Deuxièmement, saisir les différences dans l’approche de l’histoire. La manière de faire de l’histoire aujourd’hui n’est pas celle d’il y a cent ans et encore moins d’il y a trois mille ans. La notion d’histoire est complexe. De même la notion de vérité historique. Attention à ne pas prendre tout au pied de la lettre, dans une lecture fondamentaliste. L’autre extrême est de n’y voir que des mythes. Il y a de nombreuses nuances entre ces deux extrêmes.

Pour ces deux premiers points, je vous invite à lire cette conférence donnée par Jean-Louis Ska aux catéchistes d’Avignon en 2006 : https://www.catechese.diocese-avignon.fr/Les-enigmes-de-l-Ancien-Testament-Jean-Louis-Ska.html

  • Troisièmement, nous pouvons réaliser que la violence fait partie de toute vie humaine, la nôtre en particulier. Cette violence n’est pas cachée dans la Bible. Dieu s’y confronte. Il accepte même que les hommes lui attribue de la violence. Il patientera jusqu’à ce que Jésus-Christ lui-même subisse cette violence. Il renversera la logique humaine. « Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent » Mt 5,44
  • Quatrièmement, je vous invite à lire des articles, des essais, voire des livres, sur la question.

Extraits de Soeur Jeanne d’Arc, André Wénin et de Paul Beauchamp

Sœur Jeanne d’Arc, o.p., Chemins à travers la Bible, Desclée de Brouwer, 1993, p.44.

« Nous croyons que la Bible est tout entière inspirée. Mais cela ne veut pas dire que chaque verset contient une révélation! La confusion entre ces deux notions [inspiration et révélation, ndlr] a été la cause de beaucoup de difficultés qu’on a pu éprouver en se lançant dans une lecture de la Bible sans les bases nécessaires! On butait sur tant d’histoires scandaleuses ou de proverbes terre à terre. « Si c’est cela la Parole de Dieu! »

On aurait voulu y trouver à chaque ligne un enseignement, une leçon, au moins un modèle à contempler: quelque chose de révélé, une vérité divine.

Or la Bible contient bien des révélations fulgurantes : « Au commencement Dieu créa…3 (Gn 1,1). « Le verbe s’est fait chair… » (Jn 1,14). « Nous devenons participants de la nature divine… » (2P1,4). Mais des parties entières n’apportent qu’une lumière tamisée, ou seulement tout l’enveloppement historique, juridique, moral, sociologique, de la lumière. Elle n’est pas un condensé de vérités et de préceptes, un catéchisme énoncé de la part du Seigneur, mais tout le mémorial de ses merveilles et de la longue pédagogie. »


Wénin, A., «L’homme et Dieu face à la violence dans la Bible», Revue Projet 281 (2004) 58-59. https://www.cairn.info/revue-projet-2004-4-page-58.htm

« S’il y a tant de violence dans la Bible, c’est peut-être le signe que, dans son souci de dire Dieu et son alliance avec les humains, elle ne passe pas à côté de ce qui marque profondément l’existence humaine, individuellement et collectivement, en particulier la violence.

Mais au fond, peut-être cette image de la Bible dérange-t-elle. La question nous est en quelque sorte retournée : il ne s’agit plus de savoir pourquoi la Bible est violente, mais pourquoi nous résistons à être renvoyés par elle à la violence qui affecte la vie, la violence dont nous avons été ou sommes victimes, et celle que nous produisons, peut-être sans nous en rendre compte, celle qui nous entoure et qui nous laisse si souvent aveugles, démunis, impuissants.

La Bible n’offre pas un message « clé en main ». Elle attend des lecteurs actifs, prêts à mettre toute leur intelligence au service de l’émergence d’un sens qui soit à la fois celui du texte et le leur, individuellement et communautairement. Sur ce point, le monde chrétien aurait avantage à se mettre à l’école des Juifs et de leur pratique de la lecture, toujours dialogale, de la Bible. Chaque lecteur est responsable de faire émerger de sa confrontation avec le texte, un sens qui manquera s’il faillit à cette tâche. »


Beauchamp, P., «La violence dans la Bible», Etudes (1999) 496. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k442167b/f4.item

« Ainsi l’histoire de notre Bible va-t-elle des violences exercées du temps des juges et de Josué jusqu’à la violence extrême subie par le Messie d’Israël. Dans une première analyse; la Bible décrit cet arc de cercle entre deux contraires, mais toujours dans la violence. De la violence exercée à la violence subie, il s’agit d’un retournement, dont nous retiendrons surtout qu’il va d’un extrême à l’autre. Et c’est cela qui est la constante : l’excès. L’excès d’hostilité ne trouve de bonne réponse que dans l’excès d’amour. Ne peut-on dire qu’il y a une seule violence, une violence de perversion et une violence de conversion ? p.483.

En donnant mission à l’homme d’après le déluge, à Noé, d’être « l’effroi » des animaux, Dieu endosse en quelque sorte, entérine, notre violence. Dieu nous a accompagnés en se prêtant à l’image que nos yeux se faisaient de lui : il a pris pour les hommes restés violents le langage et l’image qu’ils pouvaient recevoir; il pratiquait cette douceur, de revêtir lui-même ainsi notre violence en attendant qu’il en soit victime dans la chair de son Fils jusqu’à la mort. Après l’image d’une force, il prenait l’image d’une faiblesse, mais ce sont deux images, alors que la vérité est ce qui nous délivre, par la traversée de l’histoire, des images contraires. Il y a des images de la violence, il y a des images de la faiblesse, mais il n’y a pas d’image de l’amour. Jésus inaugure une ère nouvelle; il nous libère. Mais insistons, pour finir, sur le caractère redoutable de cette liberté. » p.496