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Quatre lectures, quatre prières: Israël, Jésus, Étienne et l’Église. Homélie du 7ème dimanche de Pâques

Ab Paul, le 28 mai 2022, Jérusalem, Institut Biblique Pontifical (Communauté Jésuite de Terre Sainte)

Statue de Saint Étienne en prière lors de sa lapidation,
Cloître du Couvent Saint-Étienne des Dominicains, Jérusalem.

Les quatre lectures bibliques de ce jour nous propose chacune une prière :

la prière d’Israël avec le Psaume,
la prière de Jésus dans l’Evangile,
la prière d’Étienne dans le livre des Actes des Apôtres,
et la prière de l’Église, dans le livre de l’Apocalypse.

Au centre de ces prières : la gloire de Dieu.

Nous allons découvrir que la gloire de Dieu dont il s’agit, c’est l’Esprit-Saint, l’Esprit de Dieu qui nous est donné par Jésus. L’Esprit qui suscite l’unité entre nous et la communion avec Dieu.

1. Prière d’Israël (Psaume 96)

« Tu es, Seigneur, le Très-Haut sur toute la terre : tu domines de haut tous les dieux. » Psaume 96

1) Le peuple qui prie avec ce psaume reconnaît la puissance de Dieu, la « divinité » du Très-Haut, sa domination sur le Cosmos et sur l’histoire des hommes.

Les Israélites se souviennent de la présence de Dieu dans la Tente de la Rencontre lors de l’Exode. Cette gloire tellement impressionnante qu’elle allait jusqu’à empêcher Moïse de rentrer dans la tente. (« La nuée couvrit la tente de la rencontre et la gloire du SEIGNEUR remplit la demeure. Moïse ne pouvait pas entrer dans la tente de la rencontre, car la nuée y demeurait, et la gloire du SEIGNEUR remplissait la demeure. » Ex 40,34-35).

2) « Toutes les nations ont vu ta gloire » (Ps 96) : le psalmiste fait là une prophétie sur l’Église par laquelle Dieu partagera et propagera son Esprit Saint. Par le baptême.

2. Prière de Jésus sur les Apôtres et pour ceux qu’ils évangéliseront (Évangile selon saint Jean chap. 17).

« Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes un : moi en eux, et toi en moi. » Jean 17,22

1) La gloire de Dieu, Jésus nous la donne. C’est l’Esprit Saint, l’Esprit de Dieu.

L’expression « Esprit Saint » que nous utilisons sans plus faire attention ne doit pas nous faire penser à un troisième dieu, comme si nous avions le Père d’un côté, le Fils d’un autre et l’Esprit Saint d’un autre encore. Nous ne sommes pas polythéistes ! « Le Père et moi sommes un » nous dit Jésus, l’unité des deux se fait dans l’Esprit Saint.

2) Il nous fait participer à l’unité en Dieu, à l’unité de Dieu.

3) L’Église vit de cette unité et cette unité entre les membres est un témoignage. Et comme dans une famille, l’unité n’est pas évidente! On a vraiment besoin de l’Esprit de Dieu.

3. La prière d’Étienne (Actes des Apôtres 7)

Il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu. Il déclara : « Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Ac 7,55-56

Lapidation d’Etienne.
Église sur le lieu de sépulture de saint Etienne, à Bet Gemal, Israël.
Lieu de la maison de campagne de Gamaliel, Pharisien membre du Sanhedrin, qui aura suivi Jésus plus tard, tout comme Nicodème.

1) Étienne « voit la gloire de Dieu », et Jésus à la droite du Père. L’Esprit-Saint, le Fils et le Père. Il voit en quelque sorte la Trinité. Bienheureux est-il!

2) Il est rendu capable non seulement de prêcher (cf. la prédication d’Étienne avant sa lapidation) mais aussi de prier :

– une prière d’abandon d’abord : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » reprenant l’attitude de Jésus sur la croix juste avant de remettre son dernier souffle : « Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira. » (Lc 23,46) Saint Charles de Foucauld a lui aussi mis ces mots en prière : « Mon Père, mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira. »

– Et une prière d’intercession ensuite : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Tout comme Jésus sur la croix a pardonné : « Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort. » (Lc 23,34) Le Bienheureux frère Christian de Chergé, moine à Tibhirine en Algérie écrivait ainsi son testament : « Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais, oui, pour toi aussi je le veux, ce MERCI, et cet « A-DIEU » envisagé pour toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. »

4. La prière de l’Église (Apocalypse 22)

« L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » »

1) Vous trouvez l’entrée dans le livre de l’Apocalypse quelque peu ardue ? Comme je vous comprends ! Pour y entrer, je vous propose d’accueillir le livre de l’Apocalypse comme « une grande liturgie » (expression de Scott Hahn). Nous sommes en train de vivre une liturgie. L’Apocalypse est une « grande liturgie ».

Je vous propose de voir le livre de l’Apocalypse également comme une histoire d’amour. Une histoire qui a cependant pour cadre le monde présent, le monde d’aujourd’hui avec son lots de tumultes. Il nous est présenté l’époux : « le Christ », « l’Agneau, « le Sauveur », « l’Alpha et Omega ». Il est maître de l’histoire et du cosmos (cf. la prière d’Israël).

L’Apocalypse présente l’Église comme l’épouse, rendue belle par l’époux. L’Épouse désire la venue de son époux, comme dans le Cantique des Cantique : « Viens ». (Ct 7,11-12a « Je suis à mon bien-aimé : vers moi, monte son désir. Viens, mon bien-aimé. »

2) La prière de l’Épouse et son désir qu’il vienne sont inspirés par l’Esprit-Saint, l’Esprit de l’Époux. L’Esprit-Saint suscite le désir de l’union, de la communion.

C’est cet Esprit que Jésus a donné à ses apôtres et à ceux qui écoutent la parole, qui la gardent et qui croient au nom de Jésus. L’Esprit, c’est « la gloire » que Jésus leur a donnée.

Jésus vient et nous lui demandons de hâter ce jour.

En conclusion

En conclusion, nous entendrons dans la prière eucharistique III dans quelques instants :

« Quand nous serons nourris de son Corps et de son Sang, et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ. »

C’est l’actualisation des quatre prières, celle d’Israël, celle de Jésus, celle d’Étienne, et celle de l’Église, la notre donc: « Viens Esprit-Saint ! »

Références bibliques

Ac 7, 55-60 Il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu..

Ps 96 (97), 1-2b, 6.7c, 9 Les cieux ont proclamé sa justice, et tous les peuples ont vu sa gloire.

Ap 22, 12-14.16-17.20 L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! »

Jn 17, 20-26 Je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire

Solennité de l’Annonciation 2021, homélie

Jeudi 25 mars 2021, St Antoine du Chesnay, ab Paul de Tinguy

Lectures : Is 7,10-14 ;8,10 ; Ps 39 ; He 10,4-10 ; Lc 1,26-38

Audio de l’homélie

Introduction

Je lis en ce moment un livre passionnant, écrit avec un style vif, d’un langage relevé, qui porte sur l’aventure de sainte Jeanne d’Arc. Le Roman Jeanne d’Arc de Philippe de Villiers. Le romancier nous fait rentrer dans l’univers de Jeanne, le lecteur est délicatement amené à se revêtir des habits et des sentiments de cette jeune femme du 15ème siècle (année 1429).

Les personnages principaux sont Dieu, Charles VII et Jeanne (1412-+30 mai 1431).

Jeanne va être un instrument de Dieu pour rendre à Charles VII (1403-1461) son royaume, et qu’il reçoive l’onction à Reims (17 juillet 1429). Jeanne porte à bout d’étendard ce dauphin qui, face à toute décision à prendre, reste indécis, ainsi que le présente le romancier. Elle le fait avec le soutien surnaturel des anges, notamment saint Michel. Dans le roman, Charles VII manque de confiance en lui et est entouré de conseillers qui seront rarement de l’avis de Jeanne et qui seront en définitive proche des vues de l’ennemi Anglais et Bourguignon.

Charles VII (roi 1422-1461) me fait penser à Achaz (734-727), Achaz me fait penser à Charles VII[1]. Dieu veut faire avec eux, bien qu’ils ne soient pas de très bonne volonté. Dieu soigne son alliance avec son peuple avec ses chefs, avec leur faiblesses, malgré leurs péchés[2], avec miséricorde et pardon. Cela nous invite à cultiver la gratitude envers le Seigneur et une profonde confiance en Lui.

Dieu construit avec et malgré ceux qui exercent l’autorité

Achaz et Charles VII sont chefs, et dans nos milieux de vie, dans les structures sociales dans lesquelles nous sommes insérés, il y a aussi des chefs ; dans une famille,  on parle bien d’autorité parentale, on parle parfois de « chef de famille ». Bref, à tous niveau, le fait que Dieu construise son royaume même malgré des chefs peu vaillants – et l’on est rarement vaillant sur tous les fronts, sur tous les plans- nous invite à la gratitude et la confiance en lui.

Ceux qui disent « Voici, je viens » : D’Abraham à Jeanne

De l’autre côté il y a des personnages comme Jeanne, la bergère de Domrémy, la Pucelle d’Orléans, qui s’est rendu disponible, avec humilité, au projet de Dieu. Elle s’est rendue disponible à la suite d’Abraham, du Prophète Samuel, appelé en son enfance par le Seigneur, des prophètes Jérémie et Isaïe, envoyé par le Seigneur du haut de leurs hésitations, de Marie, la vierge de Nazareth, qui d’un simple « qu’il me soit fait selon ta parole » ouvre la voie à l’incarnation du Fils de Dieu. Ils ont en quelque sorte chacun dit : « Voici je viens ». Gratitude. Confiance.

Ces hommes et ces femmes ont dit « voici, je viens ».

Le Fils dit aussi « Voici, je viens »

 Le Fils, lui aussi à en quelque sorte dit, à travers la bouche du poète inspiré, le psalmiste : « Voici, je viens ». Dans la Trinité, qui du Père, du Fils et de l’Esprit s’incarnerait ? « Me voici, envoie-moi », la parole du prophète Isaïe pourrait être la réponse du Fils au projet de salut du Père. « L’Esprit Saint viendra sur toi, et le Tout-Puissant te prendra sous son ombre. » Le Fils vient, le Fils trouve en Marie, une arche de grand prix, une arche d’or pur, passée au feu de la Parole de Dieu, médité, mûrie longuement. Le Fils fait irruption, non sans préparation, non sans précurseurs, non sans héraut, non sans messager, sans haut-parleurs du projet divin. Le Fils fait tout de même irruption, dans la vie de Marie, dans la vie d’un charpentier de Nazareth qui n’avait rien demandé à personne si ce n’est la main de cette jeune fille au destin inattendu.

Ces hommes et ces femmes se sont disposés à agir selon une volonté plus grande qu’eux-mêmes, le Fils est disposé – toujours disposé et là est la différence avec les premiers – à agir selon la volonté du Père. Jésus-Christ au jardin de l’angoisse dira « Non pas ma volonté, mais la tienne ». « Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c’est pour cette heure que je suis venu. Père glorifie ton nom » entends-on en saint Jean. « Voici, je viens », Gratitude, confiance.

Et nous ?

Et nous ? Gratitude et confiance. Comme pour Jeanne d’Arc, nous ne connaîtrons jamais de succès total, il y a toujours une ombre au tableau, une écharde dira saint Paul le marcheur, qui maintient vigilante l’humilité, qui rappelle à notre bon souvenir la sagesse de notre bon Job : « Je suis sorti nu du sein de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. Le Seigneur a donné, et le Seigneur a ôté; que le nom du Seigneur soit béni! » « En tout cela, Job ne pécha point et n’attribua rien d’injuste à Dieu. » conclu le narrateur.[3]

Conclusion

Concluons. Nous fêtons l’annonciation en plein carême, alors que la perspective de la passion se fait de plus en plus proche. Nous fêtons la venue du Fils éternel, l’accomplissement du projet de Dieu de sauver l’humanité. Il nous sauvera en réalisant le seul sacrifice capable de restaurer la communion entre les hommes et Dieu, capable de donner aux hommes la vie même de Dieu – ce que nous vivons dans l’eucharistie. Nous fêtons la réalisation de ce projet qui ce solde … par une crucifixion … un échec !

Mais voilà, avec le Christ, aucun échec n’est irrémédiable. Gratitude, confiance. … et amour.


Notes

[1] Is 7,2-4 2 On annonça à la maison de David : « Aram a fait halte sur le territoire d’Ephraïm. » Alors son cœur et le cœur de son peuple se mirent à chanceler comme chancellent les arbres de la forêt sous le vent.  3 Et Yahvé dit à Isaïe : Sors au-devant d’Achaz, toi et Shéar-Yashub ton fils, vers l’extrémité du canal de la piscine supérieure, vers le chemin du champ du Foulon.  4 Tu lui diras : Prends garde et calme-toi. Ne crains pas et que ton cœur ne défaille pas devant ces deux bouts de tisons fumants,

[2] 2R 16,2-4 mentionne le fait qu’Achaz ait sacrifié son fils, et condamne son idolâtrie.

[3] Voir aussi  Is 5, 21 Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux et s’estiment intelligents.

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