Yannick Meneceur, un contributeur français à la réflexion sur le Numérique et la Justice

Par l’intermédiaire de mon professeur d’université, P. Benanti, j’ai eu connaissance d’un acteur français de la réflexion sur le numérique et le droit, et par extension sur de nombreux sujets corrélés : Yannick Meneceur, magistrat détaché au Conseil de l’Europe et chercheur associé à l’Institut des Hautes Études Juridiques (IHEJ).

Je reporte ici son blog Lestempselectriques sur lequel vous pourrez visionner des vidéos telles que celle-ci :

Ici un article de Mr Meneceur publié sur le site du Think Thank Institut Sapiens : « Comprendre l’IA est devenu un acte civique essentiel de notre condition moderne. »

Dans la vidéo ci-dessus, Mr Meneceur reporte les instances et les documents clés qui portent la réflexion éthique sur l’Intelligence Artificielle, comme le Conseil de l’Europe qui a publié en décembre 2018 une charte éthique sur l’usage de l’IA dans les systèmes juridiques et leur environnement.

Un court métrage percutant de James Graham, sorti en mai 2021.

Le Financial Times nous offre une autre approche pour prendre la mesure de la tension à laquelle nous sommes arrivés à l’occasion de la lutte contre la pandémie de COVID-19; tension entre la nécessité de collecter des données pour suivre et tracer – pour « sauver des vies »-, et le droit à la vie privée et à la justice. Il s’agit d’un court métrage en anglais disponible sur ce lien, ou ici sur youtube.

C’est une fiction quelque peu stressante par moment, mais très fine dans son approche : il aborde le problème de la frontière floue entre entreprises privées et institutions publiques, il formule la problématique très délicate de l’usage des algorithmes dans la justice, dans la vie quotidienne et dans les accidents qui peuvent arriver : un algorithme ne peut rendre des comptes, il n’est pas élu pour prendre des décisions politiques ou personnelles, et pourtant nous lui abandonnons une part de notre liberté et de notre responsabilité. Il aborde enfin ce qui pose la limite de « l’algoritmisation » de toute la réalité, du vivant en particulier : l’imprévisibilité des personnes, leur créativité, leur unicité.

Il s’agit de deux visions de l’homme opposées : la vision, ou dit autrement, la croyance, qui voit l’homme comme un algorithme comme un autre, un flux de données organisé selon des fonctions particulières comme peut l’être une tomate ou l’univers (cf. Yuval Noah Harari dans cette interview lorsqu’il évoque l’émergence du « dataisme » (de data en anglais = donnée), une sorte de nouvelle religion, un nouveau matérialisme en somme, mais où la matière n’est plus aussi objectivable qu’avant). Et de l’autre côté, la vision, ou croyance, qui estime que la personne humaine n’est pas réductible à un flux de données, mais qui porte en soi une créativité, une possibilité de faire du neuf, et de prendre des décisions qui ne sont pas une répétition d’actes passés.

L’usage de l’analyse des données (la data analysis en anglais) dans les activités humaines repose sous une autre forme la question du déterminisme et de la liberté, et par conséquence, de la responsabilité. L’homme est-il déterminé? Est-il libre? Yuval Noah Harari – un des penseurs les plus influent en ce moment (cf. sa chaine youtube montrant ses entretiens avec les « puissants de ce monde »)-, dans cette interview estime que le libre-arbître n’existe pas, qu’il est une illusion. Un des problème selon moi est le fait que il y a une surestimation de la capacité des scientifiques et ingénieurs-programmeurs à répondre à des questions qui ne sont en fin de compte pas de leur champs d’étude : ils prétendent mettre la main, répondre à l’aide de leurs méthodes et instruments des questions qui sont du domaine de la philosophie et de la théologie.

Ces deux derniers champs de recherche, et il n’est pas impropre de les appeler des sciences, aident à répondre à la question « Qu’est-ce que c’est? », « Quelle est la nature des choses? », « Quel est le sens des choses? », « Pourquoi les choses sont? », « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? », « Quel est le bien à rechercher? », « Quel est le mal à éviter? », « Qui est Dieu, s’il existe? », « Qui n’est-il pas? », « La mort est-elle la fin? », « Comment l’homme est-il sauvé? », etc.

Le nœud du problème est une certaine confusion entre les sciences. La nécessaire interdisciplinarité des sciences (un bon philosophe doit connaître les mathématiques et les autres sciences, au moins de loin) peut amener certain à prendre des positions sur un sujet gardant leur autorité dans leur domaine propre mais abordant un tout autre domaine où leur légitimité n’est pas équivalente.

Pour prendre un exemple, si un chercheur en biologie commence à parler de la vie après la mort, il change de casquette. Je dois en tenir compte. Il peut très bien parler de la vie après la mort, mais rien ne m’assure qu’il est « compétent » ou que ses présupposés sont fondés en raison.