Jeudi 25 mars 2021, St Antoine du Chesnay, ab Paul de Tinguy

Lectures : Is 7,10-14 ;8,10 ; Ps 39 ; He 10,4-10 ; Lc 1,26-38

Audio de l’homélie

Introduction

Je lis en ce moment un livre passionnant, écrit avec un style vif, d’un langage relevé, qui porte sur l’aventure de sainte Jeanne d’Arc. Le Roman Jeanne d’Arc de Philippe de Villiers. Le romancier nous fait rentrer dans l’univers de Jeanne, le lecteur est délicatement amené à se revêtir des habits et des sentiments de cette jeune femme du 15ème siècle (année 1429).

Les personnages principaux sont Dieu, Charles VII et Jeanne (1412-+30 mai 1431).

Jeanne va être un instrument de Dieu pour rendre à Charles VII (1403-1461) son royaume, et qu’il reçoive l’onction à Reims (17 juillet 1429). Jeanne porte à bout d’étendard ce dauphin qui, face à toute décision à prendre, reste indécis, ainsi que le présente le romancier. Elle le fait avec le soutien surnaturel des anges, notamment saint Michel. Dans le roman, Charles VII manque de confiance en lui et est entouré de conseillers qui seront rarement de l’avis de Jeanne et qui seront en définitive proche des vues de l’ennemi Anglais et Bourguignon.

Charles VII (roi 1422-1461) me fait penser à Achaz (734-727), Achaz me fait penser à Charles VII[1]. Dieu veut faire avec eux, bien qu’ils ne soient pas de très bonne volonté. Dieu soigne son alliance avec son peuple avec ses chefs, avec leur faiblesses, malgré leurs péchés[2], avec miséricorde et pardon. Cela nous invite à cultiver la gratitude envers le Seigneur et une profonde confiance en Lui.

Dieu construit avec et malgré ceux qui exercent l’autorité

Achaz et Charles VII sont chefs, et dans nos milieux de vie, dans les structures sociales dans lesquelles nous sommes insérés, il y a aussi des chefs ; dans une famille,  on parle bien d’autorité parentale, on parle parfois de « chef de famille ». Bref, à tous niveau, le fait que Dieu construise son royaume même malgré des chefs peu vaillants – et l’on est rarement vaillant sur tous les fronts, sur tous les plans- nous invite à la gratitude et la confiance en lui.

Ceux qui disent « Voici, je viens » : D’Abraham à Jeanne

De l’autre côté il y a des personnages comme Jeanne, la bergère de Domrémy, la Pucelle d’Orléans, qui s’est rendu disponible, avec humilité, au projet de Dieu. Elle s’est rendue disponible à la suite d’Abraham, du Prophète Samuel, appelé en son enfance par le Seigneur, des prophètes Jérémie et Isaïe, envoyé par le Seigneur du haut de leurs hésitations, de Marie, la vierge de Nazareth, qui d’un simple « qu’il me soit fait selon ta parole » ouvre la voie à l’incarnation du Fils de Dieu. Ils ont en quelque sorte chacun dit : « Voici je viens ». Gratitude. Confiance.

Ces hommes et ces femmes ont dit « voici, je viens ».

Le Fils dit aussi « Voici, je viens »

 Le Fils, lui aussi à en quelque sorte dit, à travers la bouche du poète inspiré, le psalmiste : « Voici, je viens ». Dans la Trinité, qui du Père, du Fils et de l’Esprit s’incarnerait ? « Me voici, envoie-moi », la parole du prophète Isaïe pourrait être la réponse du Fils au projet de salut du Père. « L’Esprit Saint viendra sur toi, et le Tout-Puissant te prendra sous son ombre. » Le Fils vient, le Fils trouve en Marie, une arche de grand prix, une arche d’or pur, passée au feu de la Parole de Dieu, médité, mûrie longuement. Le Fils fait irruption, non sans préparation, non sans précurseurs, non sans héraut, non sans messager, sans haut-parleurs du projet divin. Le Fils fait tout de même irruption, dans la vie de Marie, dans la vie d’un charpentier de Nazareth qui n’avait rien demandé à personne si ce n’est la main de cette jeune fille au destin inattendu.

Ces hommes et ces femmes se sont disposés à agir selon une volonté plus grande qu’eux-mêmes, le Fils est disposé – toujours disposé et là est la différence avec les premiers – à agir selon la volonté du Père. Jésus-Christ au jardin de l’angoisse dira « Non pas ma volonté, mais la tienne ». « Maintenant mon âme est troublée. Et que dire ? Père, sauve-moi de cette heure ? Mais c’est pour cette heure que je suis venu. Père glorifie ton nom » entends-on en saint Jean. « Voici, je viens », Gratitude, confiance.

Et nous ?

Et nous ? Gratitude et confiance. Comme pour Jeanne d’Arc, nous ne connaîtrons jamais de succès total, il y a toujours une ombre au tableau, une écharde dira saint Paul le marcheur, qui maintient vigilante l’humilité, qui rappelle à notre bon souvenir la sagesse de notre bon Job : « Je suis sorti nu du sein de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. Le Seigneur a donné, et le Seigneur a ôté; que le nom du Seigneur soit béni! » « En tout cela, Job ne pécha point et n’attribua rien d’injuste à Dieu. » conclu le narrateur.[3]

Conclusion

Concluons. Nous fêtons l’annonciation en plein carême, alors que la perspective de la passion se fait de plus en plus proche. Nous fêtons la venue du Fils éternel, l’accomplissement du projet de Dieu de sauver l’humanité. Il nous sauvera en réalisant le seul sacrifice capable de restaurer la communion entre les hommes et Dieu, capable de donner aux hommes la vie même de Dieu – ce que nous vivons dans l’eucharistie. Nous fêtons la réalisation de ce projet qui ce solde … par une crucifixion … un échec !

Mais voilà, avec le Christ, aucun échec n’est irrémédiable. Gratitude, confiance. … et amour.


Notes

[1] Is 7,2-4 2 On annonça à la maison de David : « Aram a fait halte sur le territoire d’Ephraïm. » Alors son cœur et le cœur de son peuple se mirent à chanceler comme chancellent les arbres de la forêt sous le vent.  3 Et Yahvé dit à Isaïe : Sors au-devant d’Achaz, toi et Shéar-Yashub ton fils, vers l’extrémité du canal de la piscine supérieure, vers le chemin du champ du Foulon.  4 Tu lui diras : Prends garde et calme-toi. Ne crains pas et que ton cœur ne défaille pas devant ces deux bouts de tisons fumants,

[2] 2R 16,2-4 mentionne le fait qu’Achaz ait sacrifié son fils, et condamne son idolâtrie.

[3] Voir aussi  Is 5, 21 Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux et s’estiment intelligents.